
Le ministre des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif a choqué les Iraniens lorsqu’il a annoncé sa démission sur Instagram au soir du lundi 25 février . Il serait furieux parce que le président syrien Bachar al-Assad s’était rendu à Téhéran ce matin-là, à son insu et sans sa présence aux réunions.
Dans
un SMS échangé avec un journaliste du média iranien Entekhab,
Zarif a confirmé sa déception de ne pas avoir été inclus dans la
réunion avec Assad.
Les photos de la visite secrète d’Assad à
Téhéran ont été publiées quelques heures seulement avant la
démission de Zarif.
L’Ayatollah Ali Khameni, Guide suprême, y était assis aux côtés d’Assad, et quelques conseillers de Khameni étaient également présents, Qasem Soleimani, commandant en chef de la Force des Quds. Lors d’un autre événement, le président Hassan Rouhani a été photographié avec Assad, Soleimani étant assis à la place qui aurait dû être celle de Zarif en tant que ministre des Affaires étrangères. Cette photo souligne la position de Soleimani au sein du régime, en tant qu’ambassadeur du Guide suprême pour la politique régionale et en tant que conseiller politique.
L’absence
de M. Zarif aux réunions officielles de Téhéran renvoie au monde
le message que la position de ministre des affaires étrangères
n’est pas importante. Zarif, partisan de la diplomatie et du
dialogue, était considéré comme la figure peut-être la plus
populaire de l’administration Rouhani, parvenue à un accord avec les
États-Unis, et peut-être même avec l’ancien secrétaire d’État
américain John Kerry.
La déception de l’opinion publique face à la politique régionale agressive du régime, qui a provoqué des pressions économiques et politiques directes sur les Iraniens, est en partie attribuée au changement de la diplomatie américaine envers la République Islamique sous Donald Trump. Mais les Iraniens blâment également la passivité de leur propre gouvernement, qui n’a pas réussi à faire mieux face aux partisans de la ligne dure iranienne et à l’ingérence des diverses milices.
Zarif a été le poids lourd de l’administration Rouhani et une source de prestige. Sans lui, il est difficile de dire si l’Occident continuerait à soutenir l’accord nucléaire iranien. Il a été le cerveau de cet accord et inspire toujours confiance aux membres de l’UE.
Cependant,
les pays de la région pensent différemment. Leurs réactions vont
dans le même sens que celles adoptées par le secrétaire d’État
américain Mike Pompeo lorsqu’il a envoyé un tweet lundi soir :
Nous
prenons note de la démission de « @JZarif ». On va voir
si ça colle. De toute façon, lui et « @HassanRouhani »
ne sont que des hommes de paille d’une mafia religieuse corrompue.
Nous savons que @khamenei_ir prend toutes les décisions finales.
Notre politique est inchangée, le régime doit se comporter comme un
pays normal et respecter son peuple.
Les
voisins arabes s’attendaient à ce que leurs relations avec l’Iran
s’améliorent lorsque M. Rouhani a été élu président. Ils avaient
accueilli chaleureusement Zarif lorsqu’il a proposé une approche
conciliante à l’Occident et s’attendaient à ce que Zarif poursuive
une diplomatie régionale active immédiatement après l’accord
nucléaire avec l’Iran. Au lieu de cela, ils ont vu un échec total.
La
démission de Zarif est une protestation contre son incapacité à
mener une politique étrangère indépendante sans l’ingérence du
Corps des gardiens de la révolution iranien.
Mais
il n’y a pas encore de confirmation que le président a accepté sa
démission. Si elle est acceptée et que Zarif se retire vraiment,
l’administration de Rouhani sera confrontée à un énorme défi.
Si Zarif se retire, on peut s’attendre à voir la fin de l’accord nucléaire iranien et une nouvelle phase dans la diplomatie iranienne.
S’il
reste à son poste, cela signifiera que le Guide suprême pourrait
accepter une augmentation de l’autorité de Zarif et une limite à
l’ingérence du Corps des gardiens de la révolution iraniens dans
les affaires gouvernementales, aussi improbable que cela puisse
paraître.
Si Zarif survit à la tempête et à la controverse, il
pourrait encore être une source d’espoir lorsqu’il s’agira d’aider
le régime à obtenir un soutien national pour la prochaine élection
présidentielle en 2021.
Sa démission, très publique et son
ouverture à en discuter les raisons, lui confèrent une crédibilité
auprès du public, qu’il pourra utiliser plus tard, qu’il continue
d’être ministre des Affaires étrangères ou qu’il se présente à
la prochaine élection présidentielle, ce qui représenterait une
surenchère pour les partisans des idées dures.
Par Camelia Entekhabifard, Journaliste Irano-Américaine https://mondediplo.com/outsidein/mohammad-zarif-against-the-iranian-hardliners
Traduction Alexandra Allio De Corato
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